Le handicap, combien de divisions ?

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Staline et la force militaire


C’est Staline qui demandait : « Le Vatican, combien de divisions ? » lorsqu’on introduisait les représentants du pouvoir spirituel dans les négociations sur le partage du monde. Il parlait évidemment de la force militaire qui devait être, à ses yeux, le droit d’entrée à ces discussions. Car pour être crédible, il fallait représenter une force capable de se faire respecter.

Une situation actuelle tendue

De tels rapports, justifiés par la guerre, ne pourraient plus régir les comportements d’aujourd’hui. Détrompons-nous ! Lorsqu’une négociation s’enlise ou quand aucune issue n’apparaît, la situation se tend, les « armes » sont évoquées puis on les fourbit jusqu’à les dégainer ici ou là.

Les partis politiques et les syndicats en retrait

Les partis politiques et les syndicats, autrefois les interlocuteurs officiels et reconnus du pouvoir en place dans les rapports sociaux, naviguent aujourd’hui au plus près et affalent la voilure dès que le temps grossit. Ainsi, d’avancées sournoises en charges à la hussarde, le pouvoir prend position sur des territoires qui s’ouvrent à lui telles les steppes de l’Asie centrale devant l’envahisseur.

Le polyhandicap face à l’égalité forcée

Dans ce contexte, il ne fait pas bon revendiquer ce qui n’entre pas dans les vues du gouvernement. Prenons un exemple, celui des personnes polyhandicapées. Leur état d’exception en fait des êtres extraordinaires nécessitant une prise en considération différente. Pourtant, pour le Secrétariat d’État au Handicap, il ne peut être question de distinguer les personnes polyhandicapées, sauf sur des points mineurs. L’égalité doit être la règle, voire l’égalitarisme.

Une vision déconnectée de la réalité

Madame la Secrétaire d’État, chaque fois qu’un micro lui est tendu, récite son couplet sur la nécessité de désinstitutionnaliser le système. Cela semble être une manière de se dédouaner des milliers d’enfants et d’adultes exilés en Belgique faute de places en France. Or, la vie d’une personne polyhandicapée ne peut être imaginée sans l’institution. C’est un lieu de socialisation indispensable.

Des attentes trompeuses

On nous fait miroiter des schémas idylliques d’inclusion à l’école ou dans le monde du travail, mais sans préciser dans quelles conditions. Ces perspectives trompeuses, bien que compréhensibles pour des parents, n’ont pas de sens pour une personne polyhandicapée.

Les réalités du polyhandicap

Une personne polyhandicapée est atteinte de handicap mental ET moteur dans leur expression la plus sévère. Elle ne parle pas, ne marche pas, ou a une marche accompagnée, n’attrape pas, est sujette à des crises d’épilepsie fréquentes, et souffre souvent de handicaps associés. Et c’est cet enfant que Madame la Secrétaire d’État veut scolariser ? Cet adulte qu’elle veut intégrer au monde du travail ?

Une promesse non tenue

Nous avions espéré que votre nomination apporterait un changement, Madame. Pourtant, la promesse d’une augmentation de 100 € de l’AAH s’est réduite à 90 €, avec une application repoussée à novembre, et même alors, en deux temps. Cette augmentation, une fois complétée, laissera l’AAH environ 200 € sous le seuil officiel de pauvreté. N’est-ce pas une tromperie indigne ?

Une porte fermée

En refusant de nous recevoir ou même de répondre à notre demande de rendez-vous, vous nous ostracisez. Mais en nous ignorant, c’est une partie du monde du polyhandicap que vous ignorez, et cela, nous ne pouvons l’accepter.

Le polyhandicap : combien de divisions ?

Nous savons nos faiblesses. Mais nous savons aussi que les questions que nous soulevons sont partagées par d’autres. Pourquoi, Madame la Ministre, acculer tout ce monde au désespoir et le jeter dans la rue ? Pourquoi ne pas l’écouter et éviter que la défense d’une dignité contestée ne devienne une source de conflit social ?


Francis Roque